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=== Méthode scientifique ===
=== Méthode scientifique ===
L’un des aspects associés aux recherches en optique d’Ibn al-Haytham est un recours systématique à une méthodologie d’expérimentation (”i’tibar”) et aux essais contrôlés dans ses investigations scientifiques. Selon A.I. Sabra{{sfn|Sabra|2008}}, ce terme (”iʿtibār”) traduit en latin par ”experimentum” doit être plus vu comme ”test d’hypothèse” que comme processus vers une découverte. Ses méthodes expérimentales reposent sur la combinaison de la physique classique (”ilm tabi’i”) avec les mathématiques (”ta’alim”, géométrie en particulier)<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 1, paragraphe 2 <small>[https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p.4)</small></ref> posant les rudiments de ce qui pourrait être désigné comme un modèle hypothèse-déduction dans la recherche scientifique. Cette approche mathématique et physique de la science expérimentale a sous-tendu la plupart des propositions du ”Kitab al Manazir” (”Traité d’optique”, ”De aspectibus” ou ”Perspectivae”) et a constitué le fondement de ses théories sur la vision, la lumière et la couleur, ainsi que ses recherches en catoptrique et dioptrique.
L’un des aspects associés aux recherches en optique d’Ibn al-Haytham est un recours systématique à une méthodologie d’expérimentation (”i’tibar”) et aux essais contrôlés dans ses investigations scientifiques. Selon A.I. Sabra{{sfn|Sabra|2008}}, ce terme (”iʿtibār”) traduit en latin par ”experimentum” doit être plus vu comme ”test d’hypothèse” que comme processus vers une découverte. Ses méthodes expérimentales reposent sur la combinaison de la physique classique (”ilm tabi’i”) avec les mathématiques (”ta’alim”, géométrie en particulier)<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 1, paragraphe 2 [https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p.4)</ref> posant les rudiments de ce qui pourrait être désigné comme un modèle hypothèse-déduction dans la recherche scientifique. Cette approche mathématique et physique de la science expérimentale a sous-tendu la plupart des propositions du ”Kitab al Manazir” (”Traité d’optique”, ”De aspectibus” ou ”Perspectivae”) et a constitué le fondement de ses théories sur la vision, la lumière et la couleur, ainsi que ses recherches en catoptrique et dioptrique.
Il a décrit son approche expérimentale, fondée sur le doute (”shukūk”), dans l’introduction du livre comme suit<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 1, paragraphe 6 (extraits) <small>([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 5)</small></ref> :
Il a décrit son approche expérimentale, fondée sur le doute (”shukūk”), dans l’introduction du livre comme suit<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 1, paragraphe 6 (extraits) ([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 5)</ref> :
{{Citation bloc|Nous devons distinguer les propriétés des éléments et recueillir par induction ce qui a trait à l’œil au moment de la vision et ce qui est lié à une sensation uniforme, immuable, manifeste et non sujette au doute. Ensuite nous devons progresser dans notre enquête et notre raisonnement, progressivement et méthodiquement, en critiquant les postulats initiaux et en avançant avec prudence vers les conclusions, notre objectif dans tout ce que nous faisons doit être l’objet d’une inspection et d’un examen rigoureux, en évitant de suivre les préjugés et en prenant soin dans tout ce que nous jugeons et critiquons de ne pas perdre de vue que nous cherchons la vérité et de ne pas nous laisser influencer par une opinion préconçue.| [[Alhazen]]}}
{{Citation bloc|Nous devons distinguer les propriétés des éléments et recueillir par induction ce qui a trait à l’œil au moment de la vision et ce qui est lié à une sensation uniforme, immuable, manifeste et non sujette au doute. Ensuite nous devons progresser dans notre enquête et notre raisonnement, progressivement et méthodiquement, en critiquant les postulats initiaux et en avançant avec prudence vers les conclusions, notre objectif dans tout ce que nous faisons doit être l’objet d’une inspection et d’un examen rigoureux, en évitant de suivre les préjugés et en prenant soin dans tout ce que nous jugeons et critiquons de ne pas perdre de vue que nous cherchons la vérité et de ne pas nous laisser influencer par une opinion préconçue.| [[Alhazen]]}}
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Le livre II décrit comment l’œil perçoit les différentes propriétés liées à la vision{{sfn|Sabra|2008}} (lumière, couleur, distance, position, forme, taille, mouvement, transparence, beauté, laideur, …).
Le livre II décrit comment l’œil perçoit les différentes propriétés liées à la vision{{sfn|Sabra|2008}} (lumière, couleur, distance, position, forme, taille, mouvement, transparence, beauté, laideur, …).
Pour Alhazen, la vision se produit dans le cerveau, plutôt que dans les yeux. Il fait observer que l’expérience personnelle a un effet sur ce que les gens voient et comment ils le voient et que la vision et la perception sont subjectives. Il décrit, par exemple, comment un petit enfant avec moins d’expérience peut avoir davantage de difficultés à interpréter ce qu’il/elle voit<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre II, chapitre 3, paragraphe 38 (p.136) <small>([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 5)</small></ref>, ou bien comment on est capable d’identifier un cercle même s’il est vu en perspective{{sfn|id=Lakshminarayanan 2018|texte=Lakshminarayanan 2018|p=97}}
Pour Alhazen, la vision se produit dans le cerveau, plutôt que dans les yeux. Il fait observer que l’expérience personnelle a un effet sur ce que les gens voient et comment ils le voient et que la vision et la perception sont subjectives. Il décrit, par exemple, comment un petit enfant avec moins d’expérience peut avoir davantage de difficultés à interpréter ce qu’il/elle voit<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre II, chapitre 3, paragraphe 38 (p.136) ([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 5)</ref>, ou bien comment on est capable d’identifier un cercle même s’il est vu en perspective{{sfn|id=Lakshminarayanan 2018|texte=Lakshminarayanan 2018|p=97}}
=== Livre III ===
=== Livre III ===
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Dans ses diverses [[Méthode expérimentale|expérimentations]], Ibn al-Haytham a utilisé le terme ”al-Bayt al-Muthlim” (en [[arabe]]: البيت المظلم) traduit par ”[[chambre noire]]”, ou décrit comme ”chambre obscure”. L’utilisation d’une ”chambre à rayons”, c’est-à-dire d’une pièce ne laissant pénétrer la lumière que par un petit trou est attestée avant Ibn al-Haytham{{sfn|Russel|1997|p=336 note 81}}. Des philosophes tels qu’[[Aristote]], [[Théon d’Alexandrie]] et [[Al-Kindi (philosophe)|Al-Kindi]] (Alkindus) ont décrit les effets d’une lumière ponctuelle passant par un trou. L’objectif de telles chambres est d’observer les rayons lumineux et non de reproduire une image à l’aide d’un [[sténopé]]. Il n’existe d’ailleurs aucune expérience utilisant un sténopé dans le ”Traité d’optique”{{sfn|Russel|1997|p=336}}. Alhazen n’utilise sa chambre obscure que pour démontrer les propriétés des rayons lumineux.
Dans ses diverses [[Méthode expérimentale|expérimentations]], Ibn al-Haytham a utilisé le terme ”al-Bayt al-Muthlim” (en [[arabe]]: البيت المظلم) traduit par ”[[chambre noire]]”, ou décrit comme ”chambre obscure”. L’utilisation d’une ”chambre à rayons”, c’est-à-dire d’une pièce ne laissant pénétrer la lumière que par un petit trou est attestée avant Ibn al-Haytham{{sfn|Russel|1997|p=336 note 81}}. Des philosophes tels qu’[[Aristote]], [[Théon d’Alexandrie]] et [[Al-Kindi (philosophe)|Al-Kindi]] (Alkindus) ont décrit les effets d’une lumière ponctuelle passant par un trou. L’objectif de telles chambres est d’observer les rayons lumineux et non de reproduire une image à l’aide d’un [[sténopé]]. Il n’existe d’ailleurs aucune expérience utilisant un sténopé dans le ”Traité d’optique”{{sfn|Russel|1997|p=336}}. Alhazen n’utilise sa chambre obscure que pour démontrer les propriétés des rayons lumineux.
Ainsi, pour démontrer que les rayons lumineux sont en ligne droite, il imagine une chambre obscure dont l’air est empli de fumée ou de poussière, la lumière passant par le trou dessine un rayon rectiligne. Si l’air de la chambre est pur, le rayon va éclairer le mur opposé de tel sorte que la tache lumineuse, le trou et la source de lumière soient alignés{{sfn|Russel|1997|p=334}}{{,}}<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 3, paragraphe 3 <small>([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 13)</small></ref>. Il l’utilise aussi pour montrer la différence entre les corps [[réflexion (optique)|réfléchissant]] et ceux irradiant la lumière dans toutes les directions<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 3, paragraphe 94 <small>([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 39)</small></ref>.
Ainsi, pour démontrer que les rayons lumineux sont en ligne droite, il imagine une chambre obscure dont l’air est empli de fumée ou de poussière, la lumière passant par le trou dessine un rayon rectiligne. Si l’air de la chambre est pur, le rayon va éclairer le mur opposé de tel sorte que la tache lumineuse, le trou et la source de lumière soient alignés{{sfn|Russel|1997|p=334}}{{,}}<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 3, paragraphe 3 ([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 13)</ref>. Il l’utilise aussi pour montrer la différence entre les corps [[réflexion (optique)|réfléchissant]] et ceux irradiant la lumière dans toutes les directions<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 3, paragraphe 94 ([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 39)</ref>.
Pour démontrer qu’un corps irradie sa couleur quand il est éclairé, il place un tissu coloré dans la chambre obscure dont les murs sont blancs. Lorsque ce tissu coloré est éclairé par la lumière passant par le trou, tous les murs prennent la couleur du tissu<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 3, paragraphe 118 <small>([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 44)</small></ref>.
Pour démontrer qu’un corps irradie sa couleur quand il est éclairé, il place un tissu coloré dans la chambre obscure dont les murs sont blancs. Lorsque ce tissu coloré est éclairé par la lumière passant par le trou, tous les murs prennent la couleur du tissu<ref>Alhazen, ”Traité d’optique”, Livre 1, chapitre 3, paragraphe 118 ([https://monoskop.org/images/f/ff/The_Optics_of_Ibn_Al-Haytham_Books_I-III_On_Direct_Vision_Sabra_1989.pdf Lire en ligne], p. 44)</ref>.
[[File:Ibn al-Haytham’s lamps experiment.svg|thumb|Expérience des lampes et de la chambre obscure dans le ”Traité d’optique” d’Ibn al-Haytham]]
[[File:Ibn al-Haytham’s lamps experiment.svg|thumb|Expérience des lampes et de la chambre obscure dans le ”Traité d’optique” d’Ibn al-Haytham]]